Je frôle les espaces d’abord, au plus près du cadre ; ils me semblent moins imposants, moins violents à parcourir que les corps de l’Ange et de Marie.

Je découvre la chambre nue, les colonnes sculptées, j’épouse les rondeurs, les rebonds, les recoins. Il manque le jardin fleuri. Je me promène dans la douceur de la scène à la perspective anguleuse. J’ai l’impression de comprendre les souffles qui naissent, les vides soudains, les espaces entre les silences – à moins que ce ne soit les silences entre les espaces. Aux doigts de se glisser dessus, dedans, de contourner, caresser, chercher, creuser la surface. Je plonge enfin le gras de mes doigts, je dépose ma sueur, je n’ai plus peur, je caresse les reliefs immaculés tandis que je maintiens mes yeux fermés.

La lumière croît, défie l’invisible. Devient matière organique enflammée. Le temps n’existe plus. Plus de repères à agripper. Des murmures me parviennent depuis chaque cellule, comme des froissements d’ailes de papillons. Ils gonflent ma robe, sa robe, ce tissu azzuro. Silence. Puis des milliers d’oiseaux s’échappent de mon entrejambe entrouvert. 

[Notes – Florence couvent San Marco – devant la reproduction pour les aveugles de l’Annonciation de Fra Angelico]