Je ne suis pas photographe. Je me vois plutôt comme quelqu’un qui agence.
Durant de longs mois (années ?), j’ai mené un travail sensible d’investigation autour de la scène de l’Annonce faite à Marie, questionnant à bout de souffle ce qui se jouait au cœur de ce récit. Ce travail, entre carnets de notes et images, trouve sa place dans un processus beaucoup plus large d’observation constante du monde, tel qu’il se révèle à mes capteurs.
Fermer les yeux – je ne veux pas fermer les yeux – qui me regarderont toujours [Mallarmé – “Pour un tombeau d’Anatole”]
Je désire, je capture, je vais sur le front, comme guidée par une force invisible qui me fait chercher ce qui se cache au juste, au cœur du paradoxe et questionner les récits, intimes et sacrés, grands et petits. La capture d’images, à la volée ou mises en scènes, est arrivée comme un outil capable de répondre à cette forme d’introspection permanente. Par association, des questions se posent, indéfiniment remaniées selon l’axe du point de vue. Des agencements prennent corps. De là peuvent émerger des réponses ou naître de nouvelles questions. Comme si la vérité à saisir était hors de portée, se trouvait indéfiniment reculée. Aujourd’hui des lignes apparaissent, des obsessions offrent leur visage caché, des flous se confirment et s’en amusent. Je n’ai pas de définition à donner de mon travail. Tout transpire dans mon parcours : musique, histoire de l’art, théâtre, performance, écriture, image, mais à chaque Annonce (= offrir à voir), un moyen prend le dessus, influencé par les autres et crée le récit de quelque chose.
En répondant à l’invitation de Pauline Sauveur et Laurent Herrou, j’ai eu l’envie de créer un site internet qui soit comme un chantier, où j’expose certains agencements qui font sens aujourd’hui. Ils se trouveront modifiés demain, tout comme ils n’existaient pas hier. Dans ce site, je tente de créer des échos, de laisser s’épanouir des silences, de faire jaillir des mots dans le creux des images, de créer des récits comme des cellules vivent ensemble dans un corps, sans en connaître le début ni la fin, guidée par des sensations. Cela peut être une ombre, une ligne, une couleur, ou quelque chose d’invisible, à vous, à moi. La fenêtre, comme regard sur le monde, je la présente aujourd’hui inversement. Le regardeur, en passant, sur son chemin à l’extérieur, peut y voir des choses.
Il y a aussi du hors cadre dans tout ça. Et l’on se rend compte que les murs de la maison ne sont pas finis. Alors, on s’éloigne et on se rend compte qu’on peut encore observer différemment.
Comme dans le reflet d’une fenêtre ouverte.
Elsa Guénot | Janvier 2020 | Tous droits réservés